La Chartreuse de Champmol



La Chartreuse de Champmol était un des lieux de promenade préféré de Louis Bertrand. Il aimait à y rêver parmi les rares vestiges de la haute époque, sous de nouvelles frondaisons. Comment résumer au mieux l’histoire de cette chartreuse qu’un seul imposant volume n’épuiserait pas ? Peut-être en reprenant tout simplement les termes d’Henri Chabeuf :

« Les princes de la première race ducale étaient inhumés à Cîteaux ; Philippe le Hardi voulut avoir dans sa capitale même une sépulture pour lui et sa descendance. Dès 1377 il songeait à la fondation d’une chartreuse, toutefois les ordres ne furent donnés que le 6 juin 1383, et le 20 août suivant, dans le vaste terrain dit Champmol, entre la route de l’ouest et la rivière d’Ouche, les deux premières pierres de l’église étaient posées par la duchesse Marguerite et le jeune comte de Nevers. L’architecte fut Drouhet de Dammartin, maître général des œuvres de maçonneries pour tous les pays du duc, retenu par lettres données à Paris le 10 février 1383, aux gages de huit sols parisis par jour. Les travaux marchèrent avec rapidité, et dès 1384 on trouve mentionné aux comptes le payement de deux consoles ou corbeaux, destinés à supporter un auvent au-dessus du portail (…/…), et on fit si bien, que l’église put être dédiée le 24 mai 1388, sous le vocable de la Sainte Trinité, par Pierre II, évêque de Troyes. C’était un vaisseau de 62 mètres de long sur 13m50 de large, sans transept, avec une abside à trois pans et plusieurs chapelles : Notre-Dame, Saint-Pierre, Sainte-Anne, etc. ; du faîtage orné de plombs historiés, s’élançait une haute flèche à réchaud orné. »



Voici le plan de l’ancienne chartreuse :








"Ah ! pourquoi faut-il que les enfants soient jaloux des oeuvres de leurs pères ! - Allez maintenant où fut la Chartreuse, vos pas y heurteront sous l'herbe des pierres qui ont été des clefs de voutes, des tabernacles d'autels, des chevets de tombeaux, des dalles d'oratoires ; - des pierres où l'encens a fumé, où l'orgue a murmuré où les ducs vivans ont fléchi le genou, où les ducs morts ont posé le front. - Ô néant de la grandeur et de la gloire ! on plante des calebasses dans la cendre de Philippe le Bon".

«Le 4 mai 1791, la Chartreuse était achetée par Emmanuel Cretet, député aux Etats-Généraux, puis aux Anciens, plus tard comte de l’Empire, directeur général des ponts et chaussées, ministre de l’intérieur, qui démolit l’église, prit le titre de comte de Champmol, mourut à soixante trois ans le 10 février 1810, et fut mis au Panthéon. Les tombeaux avaient été exceptés de la vente, ainsi que les tableaux, boiseries, cloches, objets d’art, etc.; et les cercueils des deux premiers ducs trouvèrent un abri à Saint-Bénigne ; tous les autres, y compris celui de Philippe le Bon, que ne signalait aucun monument apparent, disparurent. "On plante des calebasses dans la cendre de Philippe le Bon ! " s’écriait Louis Bertrand : c’est le mot d’Hamlet avec les calebasses en plus ou en trop. (…/…) Le 11 mai 1832, le conseil général délibéra d’acheter la Chartreuse des héritiers Cretet pour en faire un asile d’aliénés.»